lundi 30 mai 2011

Bits of Leb 9 : la tisane

Bits of Leb : la tisanerie

je suis rentrée dans un magasin qui sentait très bon, une odeur caractéristique et indéfinissable, une odeur comme un univers de toutes les épices mélangées ensemble, il y avait des sacs par terre roulés ouverts. Et une dame, calme, souriante, sans âge, qui ne parlait pas un mot d'anglais. Quand je suis rentrée elle m'a jaugée, le regard calme et patient, extérieur et intérieur, mais pénétrant aussi. Je voulais ramener des épices (Za'atar, du thym). Elle m'a donné les épices en mimant comment je devais m'en servir.Sans hésiter, parmi tous ces sacs, elle savait exactement où était l'épice qu'elle voulait.
Et puis elle a pris une petite éternité, m'a re regardée, et je l'ai vue prendre un sac et le remplir, j'ai compris qu'elle me disait, "il vous faut ceci aussi". Toute protestation était complètement vaine. Elle m'a montré la quantité pour une tisane. Elle m'a expliqué (je ne sais ni si j'ai bien compris, ni comment j'ai compris, d'ailleurs) j'en fais une le soir et j'en bois la moitié le soir et l'autre moitié, je la mets au frigo, et je la bois le matin. J'aurais passé des heures dans cette boutique, à discuter avec elle, apprendre le nom des herbes et ce qu'elles font, ou ne font pas. J'ai pris une photo de la quantité d'herbes pour une tisane. J'ai demandé aussi à la dame si je pouvais prendre une photo d'elle. Nous avons passé un moment ensemble dans cette petite boutique ensoleillée à l'odeur unique et caractéristique. Et puis je suis repartie. Je n'ai pas encore gouté la tisane. Quand je la boirai ca va me rappeler ce moment dans cette boutique. Sans doute c'était un peu pour cela qu'il me fallait cette tisane? le reste des raisons restent dans cette boutique avec le sourire sans âge et bienveillant de cette dame...

Leb : wish list...

J'ai fait quelques voeux... 
Je voudrais revenir un jour bientôt si tout va bien.
Je voudrais que tous les changements et la reconstruction en effervescence se fassent en paix et intelligemment, dans le respect des spécificités du pays, tous ces milliards de petites choses indéfinissables qui en font un pays qui m'a tellement touchée et enchantée. Une seconde là-bas a une profondeur et une intensité que je n'ai ressenties nulle part ailleurs et c'est en partie en ce sens que je parle de magie. C'est unique et extraordinaire et très précieux.
Et je voudrais, last but not least, remercier tous mes amis là bas pour leur temps, leurs efforts, et leur énergie positive, de m'avoir montré maintes facettes de leur magnifique pays et fait vivre des moments qui resteront toujours avec moi. Merci pour toutes ces images dans ma tête et merci de m'avoir fait grandir.

Des bises de Paris.

Et à bientôt j'espère, au gré, comme il se doit, des tapis magiques, des embouteillages, et autres aléas, qui n'en feront, comme il se doit aussi et c'est bien comme ça, exactement à l'heure tête...
(missing you already)

samedi 28 mai 2011

Leb list 2 : les cinq sens

une couleur : en ville : toutes les teintes possibles d'ocre, de marron, de verts dont justement ce vert-gris amande (qui m'enchantera toujours), la lumière dorée du soleil méridional. A la montagne, la couleur rouge de la terre.

un goût : j'ai goûté pour la première fois des Akkidene (et j'ai bien répété le mot au moins cinq cent fois tout fort dans la voiture pour être sûre de m'en souvenir, au grand dam, contenu, du pilote et du copilote)(il en fallait deux pour ne pas se perdre)(et la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas perdus c'est que nous suivions une voiture devant)(ce qui est bien moins évident quand trois files deviennent cinq deviennent une selon une loi qui échappe à toute prévisibilité et tout entendement). Encore des goûts improbables: le chewing gum au mastic. Je n'arrive pas à dire si c'est bon ou non, si c'est salé ou sucré, mais je n'ai jamais gouté un truc pareil. Le doudou shot, une spécialité locale, c'est très fort. Et puis tous les plats super bons, mais je ne vais pas les mettre dans cette liste sinon ils vont commencer à me manquer et la situation va devenir impossible à gérer.

un son : sh'ouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu
entre un ton et une octave, entre un dixième de seconde et une minute et demie, au téléphone, en face, d'inquiétude, d'humour ou de colère ou pour relancer la conversation, c'est littéralement intraductible et sans doute aussi mon mot préféré

une odeur :  la pollution de Beyrouth et la gorge qui pique, ou alors les cèdres erze de la montagne, ou les parfums de soirée qui se font compétition les uns aux autres et laissent des jeux de piste de "suivez-moi" olfactifs

un toucher : ca reste hors liste

Leb list 1 : places

- la grotte de J eita: l'endroit le plus incroyable sur terre, je n'avais jamais vu ni imaginé un endroit pareil de toute ma vie

- la lustrerie de G emmayze: je ne savais pas que ca pouvait exister, une lustrerie... mais j'espère qu'elle va rester là pendant des lustres, parce que c'est un bon point de repère pour les taxis. Non parce que quand on rentre dans un taxi ou un service, on ne peut pas juste dire, je voudrais aller au tant de la rue unetelle. Il n'y a pas d'adresse... le concept n'existe pas vraiment... alors on dit: on passe devant la lustrerie, on tourne à droite et on s'arrête face à l'immeuble d'électricité générale (pour rester dans les ampoules). Ça c'est dans la ville. A la campagne, on dirait, je vais à l'immeuble [nom de famille du propriétaire]. C'est déroutant et enchanté. Et puis du coup on doit parler à beaucoup de personnes pour trouver son chemin, au moins la première fois (et puis à chaque fois pour moi et mon sens de l'orientation pourrissime)

- les Cèdres du Chouf: plurimillénaires et ceux des Cèdres aussi mais c'est plus commercial

- pour acheter des savons d'alep (toute une histoire, "Hiiiiiiiiiiiiiiiiii, fi saboun baladi?" apparemment je le dis bien et sans accent, parce qu'on me répond à toute allure et je ne comprends rien du tout, moyennant quoi je suis obligée de demander de répéter en anglais, et c'est plus drôle du tout. Pourquoi je cherchais des savons d'alep? pour une amie, qui m'a dit avant de partir, je ne veux pas t'encombrer, ne me rapporte rien, ou alors si, juste des savons d'alep, tu verras ca se trouve partout, les savons artisanaux, et surtout tu ne vas pas très loin de la Syrie, alors bon...) Donc j'ai dû aller jusque Brj H pour trouver ces fameux savons, au fin fond de l'épicerie M asoud frères qui fait l'angle, dans un carton, par terre, oubliés presque, et couverts de lessive. J'en reviens donc au théorème du voyageur, ne jamais sous aucun prétexte prendre des commandes pour les amis, si proches et aimés fussent-ils, parce que ca vire toujours toujours à l'expédition, comme la loi de murphy appliquée au voyage. En même temps j'ai adoré l'expédition, d'autant que nous sommes allés déjeûner arménien après, et ça valait vraiment le détour.

- le Lina's de Hamra : rien de particulièrement exceptionnel, juste un clin d’œil à toutes ces fois, le midi, au boulot, quand je regardais la liste des Lina's dans le monde, et que je me disais, wow il y en a un à Beyrouth, aussi, à quoi peut-il bien ressembler?

-  the prettyest place I ever saw : non cette information reste hors liste

- Name that bar : non, je n'ai rien écrit sur les murs, mais j'ai aimé le concept

- le coup d'état : parce que j'y ai rencontré une de mes célébrités, l'acteur d'une série que j'adore et que je regarde depuis qu'elle existe, sur la recommandation d'un ami; c'est une série très touchante, mignonne et qui soulève l'air de rien des questions intéressantes, et je vérifie tous les jours pour voir s'il n'y a pas de nouveaux épisodes, et c'est la seule série que je suis parce que je déteste le principe d'être accro à une série. Toujours est-il que c'était le dernier soir, j'étais triiiiiiiiiste, mais je faisais tout pour pas le montrer. Ma copine a dit, le pot de départ, on le fait au coup d'état, c'est chouette parce qu'il y a une terrasse et on aura une belle vue sur Beyrouth. Alors nous y sommes allés, pour monter jusqu'au bar on passe par un escalier qui me rappelle l'escalier qu'on avait au collège. Et puis quelle surprise! quand j'ai fait le tour, je suis tombée nez-à-nez avec cet acteur! Il faut savoir que généralement je ne reconnais jamais aucun acteur, mes amis après me chuchotent "tu as vu c'était untel" et moi je n'avais rien vu du tout et généralement en plus quand ils me disent qui nous sommes censés avoir vu, je ne le connais pas et il faut m'expliquer pendant trois heures et je finis par dire "aaaaah ouiii je vois" alors que pas du tout mais juste pour passer à autre chose. Donc là, grande surprise. Les mots sont sortis tout seuls "hé mais tu ne serais pas dans cette série!" Dans la série il est toujours stressé et de mauvais poil et on n'aurait pas du tout envie de l'embêter, et dans la vraie vie ca a l'air d'être tout l'inverse il est super cool. On a discuté un peu, c'était très marrant. Surtout après je suis retournée m'asseoir avec mes amis qui ne me croyaient pas du tout, et c'est moi qui ai du expliquer qui c'était, et "sur quel canal" on pouvait le voir, et ca a été un peu le monde à l'envers.

- une bonne liste est toujours incomplète

Bits of Leb 8 : "Félicitations !"

Comment on dit, "félicitations?"
la réponse est complexe.
S'agit-il de féliciter une amie pour son mariage, ou un cousin pour la naissance de son premier enfant? ou sa soeur pour sa coupe de cheveux, ou pour sa nouvelle couleur de vernis ? ou un invité pour son appétit ?
Je crois que vraiment chaque situation est prévue par un mot spécifique, c'est déroutant mais c'est charmant.

italiques 3

il avait dit
à tout à l'heure

Bits of Leb 7 : ... les conversations...

Les moments prennent leur temps pour arriver (ou est-ce nous qui prenons notre temps pour arriver au moment?) puis s'effilochent peu à peu et cèdent leur place les uns aux autres, dans un ballet de tapis magiques colorés dansant au rythme irrégulier et hypnotisant d'une musique mélodieuse.
Les fils des conversations, quant à eux, ne s'effilochent pas.

Quel plaisir j'ai eu de revoir des amis que je n'avais pas vus depuis longtemps. En les voyant, quelle joie explosive, quel sourire résolument irrépressible!
Eh, c'est que ce sourire vient de loin, il a voyagé avec le moment, c'est un sourire qui vient du moment d'avant, il a pris forme dans l'interstice temporel pendant que nous vaquions à d'autres choses... ces conversations gravées et profondes et lentes qui nous lient les uns aux autres en dépit du temps qui passe et de la distance qui change. Ces conversations partent en vacances le temps de réfléchir à ce qu'elle veulent dire, ou alors le temps que nous rencontrions les mots qu'elle nécessite?  puis nous convoquent pour que nous nous retrouvions et que nous la poursuivions dans le moment suivant, exactement là où nous l'avions laissée, presque au mot près, dans une autre ville et une autre saison...

et puis après seulement, passée l'urgence conversationnelle, nous nous dirons bonjour et nous poserons les questions d'usage, avec tout le calme et la sérénité du monde. Mais les conversations conduisent le fil du moment et nous tissent au passage... la conversation prend la forme qu'elle désire, nous montre ce qu'elle veut nous montrer et nous emmène là où nous devons aller, puis peu à peu nous sentons le moment glisser... toute lutte est vaine, le moment nous quitte et il est l'heure de prendre congé... avec un sourire, parce que la conversation nous retrouvera plus tard, après, peut être dans une autre ville, quand elle aura envie de nous rapprocher de nouveau... et nous retrouvons ce même sourire en nous revoyant...

et puis quand il fait tard, quand il fait noir, quand mes amis me manquent, je pense à eux, je ferme les yeux, et je vais me perdre un moment dans la bibliothèque des conversations... je retrouve, intacts, précieux, les moments, les mots, les conversations, les rires, les sourires... et ils me manquent quand même autant, mais ils sont à mes côtés en attendant le moment suivant...

vendredi 27 mai 2011

Bits of Leb 6 : deux patisseries

Mon amie m'a dit "tu vas pas te perdre, c'est tout droit au bout de la rue, tu reconnais hein tu es sûre?"
oui oui, et en répondant par l'affirmative, je n'avais pas l'impression d'exagérer. Mais en fait ca c'est passé un peu différemment.
Déjà j'ai eu un peu faim. Faux. Je suis passée devant une pâtisserie et j'ai eu envie d'une petite pâtisserie à l'amande, alors je suis entrée et j'ai demandé deux pâtisseries, et puis quand même pour être sûre, j'ai redemandé mon chemin. La dame m'a répondu en Anglais germanisé, alors j'ai dit merci en allemand. Le visage de la dame s'est illuminé. Vous parlez allemand!
La dame m'a expliqué son histoire, pourquoi elle était partie en Allemagne avec ses enfants et son mari, et tout ca en allemand.C'était drôle parce que c'est une ville que je connais, nous avons parlé de cette ville aussi. Elle n'a pas voulu que je paye les pâtisseries.Alors j'ai dit en ce cas je vais les manger ici avec vous. Nous avons discuté pendant un quart d'heure, je dis un quart d'heure, j'en sais rien, pendant le temps qu'on a voulu. Il faisait frais dans sa boutique. Elles étaient tellement bonnes. J'en voudrais bien maintenant.
Quand je suis retournée dans la chaleur méridionale pour continuer mon chemin, la porte a fait klinglingling derrière moi. J'ai souri à travers la porte en verre à cette dame qui était retournée dans ses pensées, peut être au frais du lac Leman de ses souvenirs.

Bits of Leb 5 : Erzeh

Nous sommes allés au Chouf, voir les Cèdres.
Trois mille ans. Trois mille ans. Trois mille ans. Pendant toute la balade je me suis répété cela, trois mille ans, c'est l'âge de l'arbre juste là, qui fait des feuilles et des racines et de l'ombre quand il fait chaud et qui continue de grandir, encore, après trois mille ans. Ca n'en finit pas de m'épater. Je ressens un respect immense et ca tombe bien parce que l'arbre est immense aussi.
Dire qu'il a commencé tout petit, dire qu'il a été une graine et avant cela même une idée de graine, que la graine a choisi son moment pour commencer à germer, il y plus de trois mille ans. Tellement d'informations stockées dans son tronc, les températures qu'il a fait, la rigueur des hivers et la sécheresse des étés, et encore, ca c'est ce que nous sommes capables de lire, je suis sûre qu'il y a encore d'autres types d'informations. D'il y a trois mille ans...
Le guide était tout grand et mince, comme les guides généralement, il ne se mélangeait pas avec nous, et il ne donnait pas non plus envie de l'embêter. Les guides de montagne c'est souvent comme ca. Ils parlent peu, ils parlent juste, à ceux qui savent entendre et veulent écouter. Et ils parlent une fois, une fois seulement. Si on n'écoutait pas on ne mérite pas d'avoir entendu.
Il nous a montré les cèdres d'un ou deux ans. Il faut savoir qu'un cèdre grandit d'un ou deux centimètres par an les bonnes années. Alors les graines germent sous des pierres pour se protéger du froid des oiseaux et des intempéries. Et lentement, lentement, poussent, jusqu'au moment où les pierres qui étaient énormes par rapport à la germe deviennent toutes petites au pied de l'arbre. Quand le guide nous a montré, il a déterré un arbre de sous les pierres, et puis après nous avoir montré l'a re-couvert. Et puis je crois qu'il lui a dit un truc du genre allez pousse bien haut. En langage pas de mots. Et on a continué la balade d'un pas mesuré et lent, pour économiser l'effort.
J'ai demandé au guide quel était son arbre préféré, il a regardé au loin. Alors je lui ai dit, certains arbres on sent plus que d'autres, et moi j'aime bien celui ci. Il a dit, tu n'as pas encore vu le plus beau. Et puis plus tard parce que je prenais des tonnes de photos, à un moment, il a pris mon appareil, et a pris une photo de moi devant un gros énorme arbre, pas le plus gros non plus. Effectivement celui là on le sentait bien.
Certains cèdres sont fendus, par l'orage et les ans, alors ils partent dans plusieurs directions. D'autres sont bien ordonnés, et certains sont des célébrités, on le voit sur tous les drapeaux. D'autres font comme une tente et protègent du soleil. Vraiment on peut déjeûner dessous. Alors trois mille ans de pique niques, ca en ferait des anecdotes à raconter, si l'arbre parlait... mais c'est une autre question, ca.
Les feuilles des arbres quand elles tombent pourrissent et alimentent la terre pour que d'autres feuilles puissent se former, ca me fait sourire ce joli cercle. C'est parfait.
Et puis parfois ca me fend le coeur de voir des arbres fendus pour des raisons humaines. On passe si vite sur terre et on détruit sans réfléchir, trois mille ans quand même, on devrait respecter un peu. Le guide y a bien veillé, qu'on ne laisse aucun détritus derrière, qu'on reste sur le chemin (bon sur ce coup là j'ai un peu désobéi).
Et puis il a été temps de faire demi tour. Je n'ai pas rencontré d'arbre préféré. De toute façon j'étais bien trop impressionnée pour que ce moment puisse être. Peut être une autre fois. Peut être c'était pas ca le but. Juste certains où je sentais beaucoup de vie...
Et puis en partant, j'ai pensé, peut être les arbres que je trouvais très très gros, mes ancêtres les ont dépierrés, regardés, encouragés, recouverts, en se demandant à quoi ils ressembleraient dans plusieurs milliers d'années...J'ai pris des photos, mais je sais pas si le format sera lisible dans trois mille ans pour comparer, et puis en plus de ca, ce qui manque dans la photo c'est l'odeur et le gout de la sève...
Trois mille ans, quand même, trois mille ans

Bits of Leb 4 : le foulard rouge et a.iek

C'est un foulard rouge, il a été d'un rouge très vif mais les années et les aventures ont adouci la teinte. Il est très grand et très léger, et il me tient chaud, soit au cou si je le porte en écharpe, soit au corps si je me momifie dedans. Je déteste plus que tout avoir froid, porter des trucs lourds, et ne pas me ballader quand j'ai envie parce que je suis encombrée ou qu'il fait froid. Donc même si on pourrait reprocher à ce foulard de ne ressembler à rien, dans les faits il s'avère que j'ai du mal à sortir sans et je le prends partout...
Alors quand nous sommes allés aux Cèdres, et quand le soir à Beyrouth, sans moyen de retourner aux Cèdres, je me suis rendue compte qu'il manquait à l'appel, ça a été un moment de crise interne.
Alors j'ai appelé le refuge où nous avions dormi.
J'ai demandé s'ils avaient, par hasard, ils avaient retrouvé un foulard rouge et j'ai essayé de faire comme si ce n'était pas grave.
Attendez je vais demander.
Oui ils l'ont retrouvé. Mais ca ne résolvait pas le problème de logistique...
Mais non mademoiselle, ne vous inquiétez pas, un client redescend à Beyrouth demain justement, je vais vous le passer il va vous donner son numéro.
Un monsieur très distingué. En effet il me donne son numéro, et nous convenons que je le rappellerai le lendemain lorsqu'il sera rentré à Beyrouth.
Alors le lendemain je l'appelle, il me dit de me rendre dans sodeco, devant la pharmacie de la rue Badr, il n'y en a qu'une seule. Il me rapporte mon foulard dans un joli sac très présentable. Nous avons discuté un moment. Un monsieur très distingué, très cultivé, un vrai plaisir de discuter avec lui. Je lui ai dit que s'il passait à Paris ce serait un plaisir de prendre le café avec lui. Il m'a invitée à prendre le thé, mais mon taxi attendait et le moment ne s'y prêtait pas trop, alors nous avons discuté un peu debout, devant la pharmacie. Une éternité de dix minutes, un moment en suspension.
Alors hier soir, rentrée à Paris, quand je suis sortie me ballader, et que j'ai mis mon foulard rouge parce qu'il faisait froid, j'ai pensé que je l'aimais encore plus, maintenant, mon foulard, parce qu'il me rappelle ce moment passé devant l'unique pharmacie de la rue badr, à discuter avec un monsieur tellement courtois qui s'était donné la peine de me le rapporter de la montagne.
Je vais lui écrire pour lui dire exactement ca, et puis peut être, au gré des tapis magiques et des embouteillages et des réunions de famille, un jour nous prendrons le café ensemble, on verra!

Bits of Leb 3 : garder la ligne

Garder la ligne m'a paru tout aussi sportif que de courir le marathon.
J'ai été invitée à déjeûner. Quand je dis déjeûner, ca ne veut pas dire déjeûner. Ca veut dire passer la journée à déjeûner!
En Europe, comme le disait très justement un ami, il y a la notion de portion. On prévoit quatre invités, on aura quatre invité, on prévoit quatre portions et les quatre portions seront mangées jusqu'au bout. Mais ici non, c'est pas comme ca le concept.
Déjà, on ne prévoit pas quatre invités. On se prépare à recevoir. Ca peut être quatre cinq huit, ce n'est pas vraiment la question, la question c'est qu'on recoit et qu'il faut être prêt. J'aurais adoré assister à la préparation, mais j'ai été invitée, alors de même qu'il n'a pas été question que je lève un petit doigt pour aider après, il n'a pas été question non plus que j'aide avant. Le concept de portion est étranger. La bonne quantité c'est très exactement: trop! Trop-beaucoup de différents mets, trop-beaucoup en termes de quantité... Est-ce qu'on aura quatre invités? personne n'en sait rien, peut être on va rencontrer un ami qu'on a pas vu depuis longtemps, pas question de le laisser tout seul, on l'embarque et puis d'ailleurs ca tombe bien, parce que c'est un bon ami du grand père de la voisine, tiens le monde est tout petit quand même, c'est amusant...et puis plus tard quand l'occasion se présentera, on dira à la voisine, tu sais pas qui est venu déjeûner l'autre jour... rapport complet sur le déjeûner et l'invité en question, alors on se tient à carreau pour ne faire rougir personne... alors voilà, la notion de portion passe à la trappe.
Pourquoi j'ai dit que c'était sportif de garder la ligne? je vais vous expliquer.
C'est que déjà, ca fait quatre jours qu'on prépare, alors tout est vraiment, vraiment, vraiment très trop bon!! alors c'est difficile de résister. Mais ca n'est pas tout. Dès que l'assiette aurait tendance à se vider, la grand mère qui veille au grain, et qui regarde aussi si les invités se régalent, dit : "oh la la tu ne manges rien, ca ne te plait pas ce que j'ai cuisiné? tu n'as pas faim tu es triste?" on proteste, en vain, parce que c'est bon certes, mais aussi parce que toute protestation est vaine, la seule facon c'est de se laisser resservir... j'ai remarqué que chouey et ktir veulent dire la même chose dans ces cas là, "un peu" n'est pas une quantité acceptable...
et puis on mange un peu plus lentement... et avec un grand sourire! Alors après cinq plats délicieux savourés de plus en plus lentement, on se dit, c'était très bon mais je n'ai plus faim maintenant, bientôt ca va être le café pour digérer... mais ca n'est pas ca le concept.
On apporte des plats. Quand on a fini d'apporter les plats, on apporte d'autres plats. Et quand on a fini d'apporter d'autres plats, on apporte encore d'autres plats. De très grands plats, très pleins. Chacun prend son bout de pain et se sert du plat sans mettre les doigts ni d'ailleurs ses microbes puisque le pain a été déchiré. Toute une technique pour déchirer la bonne quantité de pain et le plier pour faire une pelle robuste mais pas trop épaisse. Je suis encore en cours d'apprentissage.
Alors on se dit: bon après tout ca, on va aller faire une petite ballade.
Euh...Tu veux aller te ballader en voiture? on marche pas tres souvent en fait, pourquoi tu veux marcher ca sert à quoi. Tu veux aller prendre une glace quelque part? ou un chocolat mou? GOGO GADGET la place dans l'estomac..
Et pourtant.
C'est agréable. On s'habitue à manger tous ensemble, lentement, calmement, des mêmes plats jamais à la même heure. C'est génial de partager les plats comme ca. C'est vrai que du coup on n'a aucune idée combien on a mangé. On apprend à s'écouter, est ce que j'ai encore faim, ou non ? Ca m'a fait très bizarre une fois revenue d'aller au restaurant et chacun commande son plat, une assiette toute prête, j'ai trouvé que c'était un peu triste. Elle m'a manqué, la grand mère qui veille comme sur son honneur à ce que tout le monde ait trop mangé et se soit régalé...

Bits of Leb 2 : "j'arrive dans cinq minutes"

Alors c'était comment?
Ah c'est difficile de parler d'un royaume enchanté. Au pays de la magie les coincidences n'existent pas. Ca fait des tapis magiques dans tous les sens. Des embouteillages comme des accordéons qui jouent une musique que personne ne peut prévoir... "j'arrive dans cinq minutes". Ca ne veut pas dire, j'arrive dans l'heure qu'il est plus cinq minutes. Ca veut dire: je pars maintenant sans me presser et puis j'arrive quand j'arrive, au gré... la liste est longue... des embouteillages et ce n'est pas peu dire, des tapis magiques, des grands mères rencontrées en chemin qu'il faut saluer poliment, avec qui on discute, en marquant, un peu, qu'on est sur la route pour quelque part, au gré de la voisine qu'il faut aider, de la tenue qu'il faut changer parce que finalement, non vraiment, celle ci ne convient pas, ca fait longtemps qu'on avait envie de la porter, mais en fait, non, l'humeur a changé en cours de route, et c'est bien, elle fait ce qu'elle veut aussi... au gré de la photo à prendre... "J'arrive dans cinq minutes" ca veut dire, je suis contente de te voir bientôt, dans une durée indéterminée, quand tout ce qui doit être avant que je ne te voie aura été! Au pays de la magie les coincidences n'existent pas, j'arrive dans cinq minutes veut dire, essentiellement et subtilement, sur un autre plan, j'arriverai quand nous serons prêts pour nous rencontrer, et ca c'est magnifique. Les moments s'effilochent doucement et cèdent calmement la place les uns aux autres, et du chaos apparent émerge un dessin magnifique: la mosaique de ce qui doit être au moment où ca doit être.
Il n'est jamais huit heures trente cinq... il est l'heure de... et l'essentiel c'est d'être à l'aise. On ne doit pas être pile poil à l'heure, mais on doit, en revanche, être prêt et de bon poil, une fois le moment arrivé...
Au début on s'y perd un peu. On met le réveil pour être prêt pile poil à l'heure. Et puis progressivement on oublie le réveil, on oublie l'heure, on fait comme on sent et on se rend compte que le sentiment est souvent plus juste que l'horloge.

jeudi 26 mai 2011

Bits of Leb 1




chez Papy, spirit of taste
(B H)


La tisanerie
assez pour une tisane

Gemmayzeh


l'épicerie

la station service
volets, séchage et air conditionné

les grues et les tons ocre



the chair




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le vendeur de pain de la corniche. il accroche les pains sur un fil et puis sur le guidon de son vélo

Harrissa embrumée
le "souk" du centre ville

metal trees and blue trees all over

dancing stools (name that bar)

vue sur H amra street




Ayran: trop bon, du lait salé c'est super raffraichissant

<3 Erzeh

Dans le Chouf

re dans le Chouf

re re dans le Chouf



Lebanese skyline



Madame Reve

"à louer"

cdg

juste avant l'embarquement

Beyrouth